Les maires doivent apprendre à gérer le succès des communes nouvelles
« Les communes nouvelles sont un succès car leur création repose sur la volonté et le libre choix des élus, sans schéma imposé par l’Etat », a affirmé hier Jacques Pélissard, député-maire de Lons-le-Saunier, à l’occasion de la troisième Rencontre nationale des communes nouvelles, organisée dans ses locaux par l’AMF, en partenariat avec Territoires Conseils (groupe Caisse des dépôts). Devant 200 participants, le président d’honneur de l’AMF, à l’initiative de la loi du 16 mars 2015, s’est réjoui de cette « révolution silencieuse » dont l’essor se poursuit. « En 2015 et en 2016, 1760 communes ont fusionné pour donner naissance à 517 communes nouvelles au 1er janvier 2017 », a précisé Vincent Aubelle, professeur associé à l’Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, lors de la présentation du Panorama des communes nouvelles (1). Les 517 communes nouvelles (317 ont été créées en 2015 et 200 en 2016) représentent 1,8 million d’habitants et regroupent en moyenne 3,4 communes. « En deux ans, ce mouvement de fusion dépasse les résultats des fusions réalisées en 40 ans d’application de la loi Marcellin de 1971 ! C’est le succès du droit souple et du principe de liberté laissés aux maires », a-t-il confirmé.
Ce succès quantitatif, imputable en partie aux incitations financières accordées par le législateur, qui ont pris fin en décembre dernier, ne doit pas masquer les enjeux liés à la création des communes nouvelles. « Les maires doivent avoir envie de se regrouper et bâtir un véritable projet de territoire, a souligné Michel Mercier, sénateur et maire de la commune nouvelle de Thizy-les-Bourgs. Les bénéfices financiers découleront de leur projet, notamment en terme de mutualisation, et constitueront un apport précieux dans un contexte durable de diminution des dotations de l’Etat ». « La commune nouvelle, c’est une commune plus forte, capable de bâtir un projet permettant de répondre aux demandes de services et d’équipements des habitants, tout en préservant un lien social de proximité indispensable », a résumé Christian Bilhac, maire de Péret et co-président du groupe de travail commun nouveau de l’AMF.
La rencontre de l’AMF a également permis aux maires d’exprimer les difficultés générées par la création des communes nouvelles, dans deux principaux domaines : la relation de la commune nouvelle à l’intercommunalité et la représentativité des élus des communes déléguées, particulièrement après 2020. Sur le premier point, « les deux structures divergent, estime Vincent Aubelle. Les EPCI grandissent en périmètre et en compétences avec un problème de proximité, tandis que les communes nouvelles rechignent à leur transférer des compétences qu’elles peuvent exercer directement. Il faut donc repenser l’architecture intercommunale ». Pour Christine Pires-Beaune, députée du Puy-de-Dôme, « la clause de bon sens doit prévaloir et l‘EPCI doit laisser à la commune nouvelle les compétences de proximité, en privilégiant le principe de subsidiarité ».
Concernant la gouvernance, Vincent Aubelle a rappelé que « le droit commun s’appliquera lors du prochain mandat, à partir de 2020 ». « Dans une commune nouvelle comportant beaucoup de communes et peu d’habitants, il sera quasiment impossible d’avoir une représentation de toutes les communes déléguées au sein du conseil municipal, sauf si le législateur modifie les règles de composition des assemblées », a-t-il dit. Dans la période transitoire actuelle, très peu de communes nouvelles ont supprimé les conseillers municipaux délégués, la plupart recourent au système dérogatoire permettant leur maintien afin de garantir la proximité « et de respecter le suffrage exprimé par les électeurs en 2014 », a souligné Florence Thérond, maire déléguée de la commune des Gorges-du-Tarn-Causses (Lozère). « La commune nouvelle ne peut pas être l’addition des communes fondatrices, a tranché Françoise Gatel, sénatrice-maire de Châteaugiron (Ille-et-Vilaine). C’est une invention pour gérer l’avenir, qui provoquera des bouleversements y compris au niveau de la gouvernance, dont il faut apprécier les effets avant sa création en procédant à une étude d’impact ». En conclusion des débats, François Baroin a estimé qu’« il faudra clarifier les choses sur la représentation des communes délégués ». Le président de l’AMF a aussi rappelé que l’association souhaite « la poursuite des avantages financiers consentis aux communes nouvelles jusqu’à la fin du mandat actuel ».
Xavier Brivet